Citoyen Macron ! Je t'écris car tu te fais le chantre du libéralisme. Je connais bien le libéralisme. Je travaille depuis vingt ans avec des banquiers allaités au libéralisme, bercés par le libéralisme, qui vivent et dorment au doux refrain du libéralisme, qui mangent et boivent libéralismement, qui aiment, haient, espèrent, dépriment, rient, pleurent, dansent, transpirent, excrètent et meurent en libéraux. Dans tous leurs discours, depuis vingt ans, il est une contradiction que je ne parviens pas à résoudre. Je me tourne vers toi, citoyen Macron, car on me dit que tu es le premier d'entre nous. Peut-être pourras-tu me répondre.
Comment le libéralisme parvient-il, en une même analyse, à tenir ces deux antagonismes: le chômage (*) vient des difficultés qu'ont les entreprises à générer des emplois ; les gens qui ne travaillent pas sont atteints de paresse aussi scandaleuse que subventionnée.
Car, et tu en conviendras, j'en suis sûr, citoyen Macron, de deux choses l'une : ou bien il n'y a pas assez de travail, ou bien il n'y a pas assez de personnes voulant travailler. Ou bien les entreprises ont du mal à trouver les employés qu'il leur faut, ou bien les citoyens ont du mal à trouver le travail qu'ils voudraient.
Comment le libéralisme parvient-il, en une même analyse, à tenir ces deux antagonismes: le chômage (*) vient des difficultés qu'ont les entreprises à générer des emplois ; les gens qui ne travaillent pas sont atteints de paresse aussi scandaleuse que subventionnée.
Car, et tu en conviendras, j'en suis sûr, citoyen Macron, de deux choses l'une : ou bien il n'y a pas assez de travail, ou bien il n'y a pas assez de personnes voulant travailler. Ou bien les entreprises ont du mal à trouver les employés qu'il leur faut, ou bien les citoyens ont du mal à trouver le travail qu'ils voudraient.
Pourtant, tu voudrais, citoyen Macron, que les sans-emploi justifiassent de leur maigre pécule en exerçant une activité - "n'importe quelle activité", précises-tu en ton manifeste libéral.
Mais, citoyen, je vis outre-Manche, dans un pays où, pour obtenir le droit de ne pas mourir de faim ou de froid, je vois des hommes et des femmes tenir dans la rue des pancartes publicitaires annonçant des soldes sur des articles de sport. Je vois des malades plantés debout, chaque matin, qu'il vente ou qu'il, comme ce matin, fasse un soleil à ne pas mettre une pivoine dehors, plantés dans un virage, affublés d'une veste fluorescente, agiter le bras pour réguler la circulation - un travail qu'on a confié partout ailleurs et depuis bien longtemps aux feux tricolores. Je vois des vieillards et des femmes enceintes, immobiles dans le flot énervé des voyageurs, indiquer dans le métro aux heures de pointe, les sorties et les correspondances - une tâche parfaitement accomplie avec un peu de peinture ou un signal lumineux.
C'est à ce travail-là que tu convies, citoyen, les Français à se remettre. Comment t'étonner alors qu'on te pose cette question: "Pourquoi"?
Pourquoi en effet, citoyen? Quelle est la valeur collective d'un tel travail? Quel bienfait économique apportera-t-il à la société? En quoi soulagera-t-il les entreprises? En quoi les aidera-t-il à générer ces emplois qui, paraît-il, les fuient? Ou encore, s'il faut croire l'autre membre de ton paradoxe libéral, en quoi les aidera-t-il à combler leur cruel manque de main d'oeuvre?
Serait-il possible que ce travail auquel tu comptes remettre tes concitoyens n'ait pas d'interêt concret? Serait-il possible, citoyen, qu'il s'agisse là, non d'adresser un impératif économique, mais un point de doxa idéologique?
Je te pose la question en toute candeur et en toute honnêteté, citoyen Macron. Je t'invite à y réfléchir et à nous répondre. Contrairement à beaucoup, y compris parmi ceux qui ont glissé ton nom dans l'urne il y a quelques semaines, je ne doute pas que tu sois intelligent. Je ne doute pas que tu soies à la hauteur de ta tâche. J'espère que tu me donneras raison en répondant à mon interrogation : pourquoi devrions-nous encore, en 2017, appliquer à des problèmes éminemment modernes les solutions inefficaces de la Troisième Répulique?
Je te convie à réfléchir à ceci, citoyen Macron. Prends ton temps, détache-toi des pressions de l'immédiat. Prends du recul. Pose-toi ces questions et tâche d'y répondre seul, dans l'examen de ta conscience d'être humain et de citoyen français. Penses-y dans le calme, peut-être, de ton intimité.
Par exemple, dans ton bain.
(*): Chômage: mal endémique et idiosycratique de la société française. Il faudra un jour m'expliquer aussi les trois premiers mots ce cette définition.
Mais, citoyen, je vis outre-Manche, dans un pays où, pour obtenir le droit de ne pas mourir de faim ou de froid, je vois des hommes et des femmes tenir dans la rue des pancartes publicitaires annonçant des soldes sur des articles de sport. Je vois des malades plantés debout, chaque matin, qu'il vente ou qu'il, comme ce matin, fasse un soleil à ne pas mettre une pivoine dehors, plantés dans un virage, affublés d'une veste fluorescente, agiter le bras pour réguler la circulation - un travail qu'on a confié partout ailleurs et depuis bien longtemps aux feux tricolores. Je vois des vieillards et des femmes enceintes, immobiles dans le flot énervé des voyageurs, indiquer dans le métro aux heures de pointe, les sorties et les correspondances - une tâche parfaitement accomplie avec un peu de peinture ou un signal lumineux.
C'est à ce travail-là que tu convies, citoyen, les Français à se remettre. Comment t'étonner alors qu'on te pose cette question: "Pourquoi"?
Pourquoi en effet, citoyen? Quelle est la valeur collective d'un tel travail? Quel bienfait économique apportera-t-il à la société? En quoi soulagera-t-il les entreprises? En quoi les aidera-t-il à générer ces emplois qui, paraît-il, les fuient? Ou encore, s'il faut croire l'autre membre de ton paradoxe libéral, en quoi les aidera-t-il à combler leur cruel manque de main d'oeuvre?
Serait-il possible que ce travail auquel tu comptes remettre tes concitoyens n'ait pas d'interêt concret? Serait-il possible, citoyen, qu'il s'agisse là, non d'adresser un impératif économique, mais un point de doxa idéologique?
Je te pose la question en toute candeur et en toute honnêteté, citoyen Macron. Je t'invite à y réfléchir et à nous répondre. Contrairement à beaucoup, y compris parmi ceux qui ont glissé ton nom dans l'urne il y a quelques semaines, je ne doute pas que tu sois intelligent. Je ne doute pas que tu soies à la hauteur de ta tâche. J'espère que tu me donneras raison en répondant à mon interrogation : pourquoi devrions-nous encore, en 2017, appliquer à des problèmes éminemment modernes les solutions inefficaces de la Troisième Répulique?
Je te convie à réfléchir à ceci, citoyen Macron. Prends ton temps, détache-toi des pressions de l'immédiat. Prends du recul. Pose-toi ces questions et tâche d'y répondre seul, dans l'examen de ta conscience d'être humain et de citoyen français. Penses-y dans le calme, peut-être, de ton intimité.
Par exemple, dans ton bain.
(*): Chômage: mal endémique et idiosycratique de la société française. Il faudra un jour m'expliquer aussi les trois premiers mots ce cette définition.